Celui qui veut devenir pasteur se confronte nécessairement un jour à la question de savoir s’il correspond à ce qu’est un pasteur aujourd’hui. A-t-il l’âge, le profil, les compétences qui conviennent ? Qui peut devenir pasteur ?
Autant le dire d’emblée, il n’y a pas de portrait robot du pasteur aujourd’hui. Le temps n’est plus – mais a-t-il jamais été ? – où les pasteurs étaient majoritairement des fils de pasteurs, sortant jeunes d’études de théologie commencées dès le bac en poche, se retrouvant à 24 ans à servir dans une Église dont-ils connaissaient tous les réseaux, l’histoire, la culture et l’implicite.
Aujourd’hui, la moyenne d’âge à l’entrée dans le ministère est de 35 ans. Cela veut dire que la plupart des nouveaux pasteurs ont eu avant leurs études de théologie un autre parcours universitaire ou professionnel : cuisinier, professeur, architecte, commerçant, cadre, coach, ouvrier, libraire, journaliste, ingénieur, éducateur, etc. Ils arrivent ainsi riches d’expériences et de compétences, parfois aussi en ayant besoin d’apprendre des manières de travailler en Église qui ne sont pas les mêmes que celles qu’ils ont connues jusque-là. Leur vie de famille est déjà installée et se trouve parfois bousculée par un rythme différent, un équilibre nouveau à trouver. 35 ans est une moyenne, cela veut dire qu’il y a des pasteurs qui débutent plus jeunes mais aussi plus tardivement ; cela peut aller de 24 à 60 ans…
Ces dernières années les pasteurs qui entrent dans le ministère sont en moyenne pour 55 % d’entre eux des hommes et pour 45 % des femmes ; d’une année à l’autre les proportions peuvent bien sûr varier, mais la tendance est à une certaine féminisation du corps pastoral. Sur l’ensemble des pasteurs en activité, on compte environ 30 % de femmes.
Les origines des ministres évoluent. Les origines nationales sont diverses ; environ un quart des nouveaux ministres sont originaires d’un autre pays : Algérie, Allemagne, Angleterre, Belgique, Cameroun, République démocratique du Congo, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Italie, Madagascar, Pologne, Suisse etc. La plupart vivent en France depuis longtemps.
Les origines confessionnelles se diversifient également. En gros, un nouveau pasteur sur deux est issu d’une famille appartenant à l’Église protestante unie de France. La moitié des pasteurs vient donc « d’ailleurs » ! Certains ont été membres d’une autre Église de la Réforme, d’autres viennent du catholicisme ou d’Églises évangéliques et ont évolué théologiquement et spirituellement jusqu’à l’Église protestante unie de France. D’autres peuvent venir d’une autre religion, mais cela est plus rare. D’autres encore viennent de milieux complètement agnostiques. Le parcours dans l’Église avant le ministère peut être long ou bref : des étudiants en théologie ont eu un engagement fort pendant plusieurs années dans une paroisse, tandis que d’autres découvrent la foi ou la culture luthéro-réformée au cours de leurs études de théologie.
Tout cela montre qu’il n’y a pas d’âge, d’origine ou de parcours spirituel type pour devenir pasteur. N’importe qui, alors, peut devenir pasteur ? Pas vraiment, car être pasteur nécessite un équilibre entre trois dimensions importantes.
Trois dimensions
La première, quels que soient le chemin de vie, les ruptures ou les continuités d’une existence, c’est que le parcours soit mûri et que le futur pasteur puisse le verbaliser, le conscientiser. Le ministère pastoral est en effet mis à l’épreuve dans la rencontre de situations communautaires ou individuelles joyeuses ou dramatiques, tendues ou sereines. Ce que le pasteur croise fait écho en lui et cela ne doit pas le déstabiliser. Cette dimension est peut-être plus forte aujourd’hui, quand la société toute entière est en tension, qu’elle n’a pu être dans des époques où les changements étaient plus lents et les repères plus collectifs.
Une deuxième dimension du ministère pastoral repose sur le fait que le pasteur n’est jamais seul. On est toujours pasteur avec d’autres, pour d’autres. C’est l’Église qui donne sens au ministère pastoral. Cela signifie qu’être pasteur de l’Église protestante unie de France, c’est connaître cette Église, en être membre, s’y sentir chez soi. Pour un étudiant en théologie qui vient d’un engagement dans une autre Église ou qui n’a jamais connu de vie d’Église, il importe de prendre le temps d’immersion dans une paroisse. Cela est nécessaire pour vérifier si l’on peut faire de l’Église protestante unie de France son Église, en termes théologiques et spirituels, mais aussi dans la manière de fonctionner, de prier, de concevoir l’autorité et la place du pasteur, si l’on s’y retrouve dans la musique, dans la sociologie, dans la manière d’être et dans les relations, dans tout ce qui est de l’ordre de l’incarnation.
Troisième point important : un parcours de vie stabilisé et un amour de l’Église protestante unie de France ne suffisent pas encore. Il faut aussi des compétences particulières, nécessaires pour être bien à sa place dans le ministère pastoral. Compétences théologiques, acquises au cours des études et qui doivent permettre de parler en « je », d’avoir une parole habitée, capable de donner sens et de questionner, d’aider d’autres à trouver leur propre espace de sens. Compétences humaines, équilibre qui permet d’être à l’écoute, de savoir traverser des conflits, d’être capable de supporter de ne pas toujours avoir le dernier mot. Compétences plus techniques enfin, savoir parler en public, animer une réunion, présider un culte, conduire une étude biblique ou une séance de catéchisme. Le savoir et le savoir faire s’apprennent et s’articulent autour du « savoir être » qui est au cœur du ministère et se travaille toujours. L’important n‘est pas d‘être performant en tout, mais de connaître ses limites, d‘accepter d‘avoir toujours à apprendre, d‘être capable d‘évoluer.
Devenir pasteur ne présuppose pas un profil type. Au contraire, c’est par la diversité des parcours, des compétences et des personnes que l’Église s’enrichit. Mais celui qui veut devenir pasteur doit accepter de ne pas l’être de manière spontanée, il doit pouvoir se confronter à lui-même et à l’Église, dans la réalité de ce monde dans lequel il se sent appelé au ministère, pour aider des personnes et des communautés à vivre et partager l‘Évangile. Pour cela, il importe de se sentir le mieux possible dans sa peau, dans son Église, dans son ministère. Le Seigneur donne cette force à celui qu’il appelle.
Vincent Nême Peyron pasteur, président de la commission des ministères