Tous les sentiers de l’Eternel sont miséricordes et fidélités, pour ceux qui gardent son alliance et ses commandements – Psaume 25, verset 10.
Voici le verset que j’ai reçu le jour où j’ai confirmé ma foi dans ma paroisse natale alsacienne à Munster, j’avais 14 ans et pas plus de foi que la majorité de nos contemporains. Juste assez de bonne volonté pour continuer à fréquenter mon Eglise et des parents derrière moi pour me pousser un peu quand dans mon adolescence j’avais la flemme d’y aller…
De fil en aiguille, sans vous parler de tous les détails, j’ai compris le message de l’Evangile : « Dieu t’aime depuis toujours et il veut que tu vives, libre de croire en lui ou non ». A cette époque, je trouvais le culte ringard, ennuyeux, sans intérêt, je pouvais prier seule dans ma chambre surtout le dimanche matin sous la couette ! Pas besoin d’y aller !
Jusqu’à l’arrivée d’un jeune pasteur de 45 ans avec qui j’ai partagé ma foi, mes questions, mes réflexions. Il a su rendre le culte un peu moins «gnangnan» même si cela lui a valu de nombreux reproches notamment de la part des paroissiens les plus âgés. Il était vivant, l’Evangile était vivant avec lui !
« Dis-moi, c’est quoi ton métier ? » Sa réponse fut passionnée et passionnante : « Tu ne fais jamais la même chose, tous les jours c’est nouveau ! Pasteur, c’est un métier à la fois intellectuel et relationnel, à la fois au bureau et à la rencontre des personnes de 0 à 99 ans. C’est un métier de vie où tu partages, tu transmets, tu témoignes ! ».
C’est ainsi que je me suis décidée à commencer des études à la faculté de théologie protestante de Strasbourg : mon but, réussir mes études pour pouvoir répondre à cet appel, être pasteur, au service du Seigneur, de son Evangile.
Etant étudiante, j’ai travaillé en été pour participer aux frais universitaires… j’ai notamment fait de l’accueil en camping où en rencontrant les vacanciers, en parlant avec eux de mon futur métier, je me suis rendu compte que les avis étaient partagés. « Mais femme et pasteur ce n’est pas possible, lis donc 1 Corinthiens 14 v 34 « que les femmes se taisent dans les Eglises » et tu verras ! ».
Encore une fois, heureusement que mon pasteur était là pour me permettre d’analyser et de comprendre ce passage. Soulagée, je continuais mes études en rencontrant des amis de l’Eglise réformée de France, en découvrant cette Eglise et c’est là que mon projet est devenu réalité.
Aujourd’hui, après quelques années de ministère en milieu rural, je suis comblée. Mon pasteur ne m’avait pas menti ! Les échanges, le relationnel, l’accompagnement, l’écoute, le partage, tout cela je le vis au quotidien. Un travail, un métier, mais sans doute beaucoup plus : une vocation.
Dans le ministère pastoral, je ne me suis jamais sentie seule, il y a dans les paroisses des personnes engagées et présentes au quotidien, qui participent de tout leur cœur pour faire vivre leur paroisse. Et des collègues alentours pour un conseil, un coup de main, une écoute, un partage.
Les cultes du dimanche matin, j’ai toujours voulu les rendre vivants, moi qui avais gardé des souvenirs moyennement captivants de ceux de mon enfance…
Mais j’ai aussi appris à ne pas tout chambouler, ce n’est pas seulement en gesticulant dans tous les sens sur des cantiques entrainant avec guitare et batterie que le culte vit ! J’ai trouvé qu’un simple sourire, un accueil chaleureux, un moment de réel partage fraternel était sans doute essentiel !
J’ai aussi la chance d’être dans une région qui se réorganise et réfléchit à de nouveaux fonctionnements pour mieux annoncer l’Evangile. Ici, les 9 paroisses apprennent à vivre ensemble. Sur notre secteur, nous avons un culte commun par mois, c’est un culte famille, un culte de fête. Là, toute la jeunesse dès 3 ans (et moins) se retrouve avec parents et grands-parents, paroissiens habituels, ou de passage. Ces cultes intergénérationnels sont le lieu et l’occasion de vivre le culte autrement, de faire participer tout le monde, d’être nombreux aussi, souvent de 250 à 300 personnes.
Même si pour certaines personnes, nostalgiques du temps où il y avait un pasteur par village (ou presque), ces cultes les « privent » de leur culte dans leur village avec leur pasteur (vous comprenez que je suis plutôt pour qu’il y ait au moins ce culte de secteur…). La vie de notre Eglise a besoin de ces temps forts, car ces cultes touchent aussi d’autres personnes que nous ne voyons pas dans les cultes « ordinaires », ce sont ces jeunes familles, la tranche d’âge des 30-45 ans.
Pour vous parler aussi de l’accompagnement des familles, pour moi, c’est une expérience très enrichissante. C’est un bout de chemin parcouru ensemble, de la naissance des enfants pour les baptêmes des tout petits, à l’âge adulte pour les mariages, et passant par l’éveil et l’école biblique, le catéchisme et le groupe de jeunes. Il y a aussi les temps de partage biblique, du groupe des conteurs et conteuses biblique, du groupe Théovie, etc. Là aussi l’échange, les temps de parole et Parole partagés sont très agréables à vivre.
Et puis, il y a également les moments plus difficiles dans les accompagnements. Au moment des deuils, surtout quand la personne décède de manière brusque et violente. Au début j’appréhendais énormément, mais j’ai compris l’importance pour les familles d’être soutenues, écoutées et de pouvoir recevoir cette Parole de Consolation et d’Espérance : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ».
Certain vous diront, pasteur c’est un emploi du temps sans bornes, ni limites, où la vie personnelle n’a plus de place. Moi je pense qu’il est toujours possible de trouver du temps pour soi, sa famille, ses amis. Si nous ne sommes pas attentifs à nous-mêmes, comment rester disponibles pour les autres ? Et puis dans le secteur où je suis, j’ai l’avantage de travailler en équipe avec mes collègues, ça demande du temps, mais c’est un plus pour moi d’avoir pu bénéficier de leur expérience et de pouvoir découvrir tous ces aspects du ministère pastoral avec leur soutien.
Etre pasteur, c’est un engagement qui vous fait vibrer de mille et une manières, c’est un choix que je ne regrette pas. Je m’épanouis dans ce que je fais, j’ai plaisir à faire ce que je fais et dans notre société je ne suis pas certaine que tout le monde puisse en dire autant.
Alors pasteur… pourquoi pas vous ?
Aurélie Dumas-Lairolle
pasteur de l’Ensemble « Entre Gardon et Vidourle », Cévennes-Languedoc-Roussillon
http://www.theovie.org